Mes mesures mises en oeuvre pour mettre fin a toutes les violences sexistes et sexuelles dans l’audiovisuel.
Conditionner les subventions au suivi de formations contre nos violences sexistes et sexuelles : c’est l’un des axes d’une revolution a l’?uvre au sein d’ l’audiovisuel. Enquete.
Depuis un an, Adele Haenel brise le silence et declare, au micro de Mediapart, avoir subi attouchements et harcelement de l’ensemble de ses 12 ans a ses 15 annees d’une part de Christophe Ruggia, qui l’avait dirigee au sein des Diables. Dans le sillon de cette affaire et du mouvement #MeToo, Franck Riester, alors ministre de la Culture, s’engage en novembre 2019 a prendre des mesures Afin de lutter contre des violences au sein des entreprises culturelles.
Aujourd’hui, la revolution est en roule : le mois soir, des formations inedites, baptisees Prevenir et agir contre des violences sexistes et sexuelles, ont ete lancees par le Centre national du cinema et de l’image animee (CNC). Gratuites, elles seront aussi obligatoires pour les entreprises du cinema, de l’audiovisuel et du jeu video qui voudraient desormais pretendre aux aides du CNC. En resume : sans formation, pas de subvention.
Prevenir
D’ici a trois ans, 9000 experts, patrons de agences de production, vont i?tre ainsi formes et devront sensibiliser leurs equipes, en particulier leurs directeurs de production les representant i propos des tournages. «C’est avant bien une pedagogie : on essaie de convaincre qu’on devra se diriger par un monde meilleur en relations femmes-hommes. Mais c’est aussi le jeu du baton ainsi que la carotte : on rappelle a toutes les employeurs les dangers qu’ils encourent en cas de plainte, explique Marilyn Baldeck, deleguee generale de l’Association europeenne contre les violences faites a toutes les jeunes femmes au bricolage (AVFT), en charge de ces formations. Je crois via ailleurs en la prevention, car j’suis convaincue que la plupart des harceleurs ou des misogynes ne semblent aucun grands courageux. Ils paraissent sensibles aux sanctions et, s’ils considerent le risque trop grand, ils ne le prennent gui?re.»
En video, quels sont nos vrais chiffres des violences faites aux jeunes filles ?
Deconstruire
Au programme de l’enseignement ? Le rappel aux employeurs de leur responsabilite juridique en cas d’agression d’un membre de l’equipe sur un salarie (toute la chaine est concernee, de l’acteur au technicien en passant par la cantiniere), la redefinition de ce que sont les violences sexistes et sexuelles, ainsi, la deconstruction, avec demonstration circonstanciee, des deux adages : «C’est J’ai parole de l’un contre la parole de l’autre» et «Qui ne dit mot consent.»
Ces premieres formations produisent deja leurs effets : s’il identifiait clairement l’impact et Notre gravite des violences physiques sur les victimes, Guillaume de la Boulaye, producteur et dirigeant de Zorba Production, a retourne inscription asiandate conscience d’autres realites a l’issue une formation. «Je ne me rendais pas compte que les violences qualifiees “d’ambiance” pouvaient generer des depressions et des traumatismes graves. Les chefs de poste, nos techniciens paraissent desfois un tantinet rudes, a l’ancienne, ainsi, font des blagues limites, reprises par les jeunes. Il faut rompre une telle chaine de complicite ainsi que transmission.» Notre moyen selon lui : rendre un volet de formation obligatoire pour l’ensemble des acteurs du secteur. Ou formaliser les comportements reprehensibles i propos des feuilles de service, les contrats, la bible du projet ou des briefings de debut de tournage, comme le preconise la formation. Les pistes sont nombreuses, le chantier, important.
Liberer Notre parole
Si les violences ont cours partout, des facteurs de risques et des leviers de soumission bien particuliers ont ete identifies dans l’audiovisuel. Dans cette activite de reseau, ou le bouche-a-oreille prevaut, parler reste d’autant plus difficile que la victime craindra de ne jamais etre rappelee. La proximite physique via votre plateau etroit et bonde, la delocalisation des tournages avec hebergement en mode «colo ou coloc», l’injonction a passer un moment en equipe pour decompresser brouillent nos frontieres entre espaces prive et professionnel. «Avec l’alcool et J’ai fatigue, certains lachent parfois un peu l’animal. Mes fetes de fin de tournage pourront ressembler a un debarquement de marins dans un port», temoigne une chef operatrice dans une video diffusee lors d’une formation.
Si l’agresseur porte la responsabilite juridique et financiere, il reflechira a deux fois avant d’agir
L’omerta vient aussi de et cela reunit les equipes : la passion, ce reve qui primera souvent via le droit et le bien-etre personnel : «C’est comme dans un paquebot qui est lance. C’est porteur, mais c’est aussi difficile de dire stop», confesse une assistante de mise en scene. Les enjeux d’argent seront tels que les victimes, en parlant, ont l’impression de boycotter la soiree, de nuire a leurs collegues. Car un nouvelle probleme se pose : celui des assurances, qui n’indemnisent jamais l’arret de tournage pour cause de harcelement ou de violences. «C’est le nerf une guerre. Ca couterait des millions ou Plusieurs centaines de milliers d’euros de virer l’agresseur. Ca force au silence, expliquait recemment l’actrice-realisatrice Sara Forestier. Si l’agresseur a la responsabilite juridique et financiere, il reflechira a 2 fois avant d’agir.»
Plusieurs discussions sont justement en file, mais, sans accord, le dilemme demeure cornelien Afin de les producteurs : en perdant la soiree, ils risquent desfois de perdre leur boite. Resultat : ce sont i nouveau les victimes qui trinquent. Soit elles se taisent, soit elles prennent le va parfois ne plus travailler. «Dans l’eventualite d’un realisateur abusif, ils font via ailleurs cette option qu’un genie ne va gui?re etre le genie du mal», ajoute Marilyn Baldeck, faisant reference a l’emprise, autre levier de soumission contre lequel lutte le Centre national du cinema. Une plateforme d’ecoute avec des psychologues a ainsi ete mise en place avec le groupe de protection sociale Audiens pour les victimes du milieu du spectacle.
Karine Viard, actrice francaise a l’affiche de Jalouse. (Angouleme, aout 2017)
YOHAN BONNET / AFP Les celebrites s’engagent contre les violences faites a toutes les dames
Notre judokah Teddy Riner. (Marrakech, novembre 2017.)
JACK GUEZ / AFP Mes celebrites s’engagent contre les violences faites aux jeunes femmes
Alessandra Sublet, animatrice tele et radio. (Monaco, en juin 2016.)
Photo Getty Images Mes celebrites s’engagent contre les violences faites a toutes les dames
Le journaliste et presentateur David Pujadas. (Paris, mars 2017.)